Savoirs, « Engagementent en formation et rapport au travail » – hors – série 2007
Formation et recherche d’emploi pour les non qualifiés
L’usage de la formation dans les processus de recherche d’un emploi pour les moins qualifiés ne va pas de soi. Un tel engagement n’a pas la même signification pour tous et suppose des conditions favorables liées au contexte et liées à la personne. L’expérience des personnes dans leur rapport au travail est un élément important de l’engagement en formation. Les entreprises où on a travaillé, les statuts des emplois que l’on a exercés, l’exercice de la même activité sur une longue période ou une forte mobilité n’ont pas les mêmes effets quant à la représentation de l’intérêt de la formation. Parallèlement les différents types de formation peuvent modifier les représentations du travail. Enfin la formation ne se réduit pas au stage, elle s’articule avec d’autres fonctions ou démarches (orientation, VAE, GPEC, bilan de compétences, etc.) et s’appréhende dans un parcours plus ou moins sinueux. […]
L’usage de la formation liée aux trajectoires professionnelles réinterroge les difficultés de la (re)construction identitaire fondée sur un projet professionnel (Prestini-Christophe) ou le rapport au travail (Crochard). C’est cette dimension qui donne sens à l’engagement en formation comme anticipation de son parcours de vie. Pour les populations qui sont plutôt en déstabilisation identitaire ou en autodépréciation, l’intérêt de se former dépend d’abord d’opportunités professionnelles attractives et de la conscience de celles-ci. Sous cet angle le fait d’être salarié, en première insertion ou au chômage de longue durée n’est pas neutre. L’éloignement du travail accentue tous les mécanismes d’autodévalorisation et réduit le champ des perspectives, ce qui diminue d’autant les facteurs motivationnels et d’implication. Mais cette approche est encore trop généraliste car les systèmes de formation n’ont pas tous les mêmes effets : les contenus et les pratiques mises en œuvre peuvent accentuer les décrochages ou, au contraire, réamorcer des processus de confiance en soi et d’ouverture. Ce champ nécessite donc d’être investigué notamment en analysant les démarches d’accompagnement et de reconnaissance comme la VAE (Pinte).
Au-delà de ces éclairages qui doivent être prolongés, le chantier de la sécurisation professionnelle réinterroge l’organisation et l’articulation des fonctions utiles à un tel objectif à la fois social et économique. D’une façon pragmatique, il faut pouvoir garantir sur un territoire donné l’accès à l’éventail des services utiles aux mobilités professionnelles au-delà des domaines professionnels dominants localement. Cette instrumentation possède une symbolique forte qui consiste à indiquer aux publics prioritaires qu’ils bénéficient de la meilleure qualité de services possible y compris en termes de locaux, de professionnalisme des personnels administratifs ou d’accueil, de services associés (centres ressources, ateliers pédagogiques personnalisés, appui individualisé, réseaux d’entreprises, etc.). La multiplication de programmes, de sous-dispositifs, ou de mesures spécifiques, focalisés sur l’accès à la formation comme « remède en soi » a rendu impossible l’organisation d’un système rationnel d’ensemble dédié aux moins qualifiés. Les fonctions qui garantissent la pertinence sociale et économique de l’engagement en formation ont été atrophiées au profit de mécanismes de remplissage de stages standardisés.
Des objectifs concrets
Ne faut-il pas inverser les logiques de prise en charge des populations en difficulté sur le marché du travail ? Jusqu’à présent, celles-ci se sont souvent trop focalisées sur leurs lacunes et non sur leurs aptitudes et potentiels. N’est-il pas nécessaire de proposer rapidement des prestations complètes permettant d’enclencher des processus d’engagement de retour à l’emploi fondés sur des éléments concrets d’autoévaluation et d’apports formatifs ciblés ?
De telles démarches devraient aujourd’hui se déployer autour d’une série de prestations qui doivent combiner trois éléments forts :
- démontrer à ces publics qu’ils possèdent des savoirs, des acquis et des potentiels à travers des exercices pratiques concrets dont la transférabilité professionnelle est patente (véritable par des employeurs) ;
- identifier les zones de développement de ces publics afin de négocier avec eux des objectifs de progression leur permettant de renforcer leur employabilité y compris par l’acquisition d’une formation qualifiante ;
- établir des liens organisés avec des réseaux d’entreprises ou de tutorat d’entreprise, des associations d’insertion par le travail ou des entreprises de travail temporaire.
Il est possible d’expérimenter dans ce champ en s’appuyant sur des partenariats avec les entreprises de travail temporaire, les officines de placement fondées sur le profilage et les structures qui travaillent sur le recrutement par les habiletés ou autres démarches fondées sur les compétences-clef. Le mérite de toutes ces démarches est qu’elles contribuent à redonner confiance aux individus en eux-mêmes (ce qui est une clef de l’engagement en formation). Aujourd’hui on oppose les méthodes de retour rapide à l’emploi et l’engagement en formation qualifiante alors qu’il faut mutualiser ces démarches dans une logique de parcours sécurisé.
La revue Savoirs, une approche pluridisciplinaire, « Engagementent en formation et rapport au travail » – hors – série 2007 2èmes ateliers de la formation professionnelle